lunes, 31 de octubre de 2011

El budismo no existe


Imaginez que vous gravissez les marches d’un escalier d’une très haute tour. À chaque palier, vous faites halte, et par l’embrasure de la fenêtre vous contemplez le paysage. Vous le savez identique, et pourtant à chaque nouveau regard le panorama s’élargit et vous en avez une autre vue, plus magnifique encore. Arrivé au sommet, vous découvrez enfin l’immensité de l’espace où seul le vent bat.

Ce livre est construit à l’image d’une telle ascension. Vous êtes convié à quitter le sol des idées reçues et à entreprendre une montée initiatique à la découverte du dharma, l’enseignement du Bouddha. À chaque palier, celui-ci se révèle plus vaste et plus radical que ce que vous croyez savoir de lui : ni doctrine, ni métaphysique, ni promesse. Jusqu’à ce que vous atteigniez l’ultime station, ce lieu mystique que les disciples du Bouddha appellent la fine pointe du Réel, espace de liberté.

Les premières lignes du livre: 
À bien des égards, les pages qui suivent prolongent et amplifient un bref passage d’un précédent livre qui se terminait par ces phrases : « En vérité, le bouddhisme n’existe pas. Ce n’est qu’un mot qui, pris trop au sérieux, devient source d’enjeux et d’affrontements. » Cette déclaration, trop vite soutenue, devait frayer son chemin. Je la sais déconcertante. Peut-on se revendiquer disciple du Bouddha et prétendre que le bouddhisme n’existe pas ? Au fil des pages, il nous faudra cependant conserver cette singulière mise en abyme, car une puissante conviction les anime : le dharma, l’enseignement du Bouddha, n’est lui-même qu’une magnifique mise en abyme.

La postface: 
Nous sommes les humbles interprètes des paroles de l’Éveillé au coeur de nos vies. Plus nous les ressentons, plus nous ressentons notre engagement dans la vie. Nous n’avons d’autre possibilité que de les interpréter dans l’actualité de ce monde : il nous faut répondre avec hardiesse aux questionnements, aux détresses et aux peines du temps. Les bouddhas et les bodhisattvas ont une habileté à parler et à agir. Elle révèle leur souci constant de répondre à chaque situation en s’ajustant à la particularité et à la sensibilité de chacun. Nous ne pouvons évidemment faire du bouddhisme à l’Orientale, répéter à l’identique de doctes commentaires comme si rien n’avait changé autour de nous depuis des siècles.

Tout est à recommencer. Tout est à reprendre. Tout est à risquer. Les chants nouveaux qui jailliront de nos poitrines, les formulations qui résonneront dans nos c¦urs seront nécessairement autres, et pourtant ils seront l’expression la plus authentique du dharma. Interpréter n’est pas adapter. L’interprétation préserve le caractère référentiel du dharma alors que l’adaptation l’abandonne ou même le rejette. La pratique de la méditation dans d’autres cadres, qu’ils soient thérapeutiques, religieux ou spirituels (la méditation bouddhiste est aujourd’hui pratiquée et enseignée par des chrétiens dans un renouvellement de leur vie spirituelle), relève d’une adaptation. L’interprétation préserve, elle, cette résonance particulière entre la sensibilité des êtres et la réponse des bouddhas et des bodhisattvas. Le dharma fleurira en Occident pour autant que de nouveaux bouddhas et bodhisattvas seront à leur tour capables de répondre avec délicatesse et affection aux besoins des êtres, à leurs façons de se vivre et de vivre le monde. Même si l’humain garde son universalité par delà les siècles et les cultures, s’il connaît hier comme aujourd’hui la joie et la peine, la douceur et la détresse, nos égarements sont aussi singuliers, liés à nos contextes de vie.

Les temps modernes ont leurs grandeurs et leurs faillites. Nous avons intégré de nouveaux modes d’addiction et d’aveuglement. Individuellement et collectivement, la peur et l’impuissance nous étreignent. La violence nous gagne. Ces maladies requièrent de nouvelles médications. Comment vivre au plus près d’un monde qui vient ? Adopter l’enseignement du Bouddha ne signifie pas reproduire les formes que les traditions bouddhistes ont pu prendre ici ou là, au gré des influences culturelles et de l’histoire de chaque pays, mais simplement entendre sa méthode, une réponse toujours renouvelée, inventive et créative, aux besoins des êtres, dans un dialogue constant et engagé avec ce monde.

Éric Rommeluère est enseignant bouddhiste dans la tradition zen. Dernier livre paru : Les Bouddhas naissent dans le feu (Seuil, 2007).
Le bouddhisme n’existe pas , Editions du Seuil
192 pages, 17 euros (livre broché), 12,99 euros (Ebook)
Date de parution : 20 octobre 2011
ISBN-13 : 978-2021050844
Communiqué publié sur www.buddhachannel.tv, avec l’aimable autorisation des Éditions Seuil


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